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Député et exilé : Louis Riel

(Notice : ce blogue aurait dû être placé après celui-ci : Le Manitoba, une seconde province française, et se lire en conséquence.)


Edward Blake, chef du parti libéral de l’Ontario, devenu premier ministre de la province en 1871, offrit une récompense de 5,000$ dollars, pour l’arrestation et l’inculpation des responsables de la mort de Thomas Scott.


George Étienne Cartier fait savoir aux amis de Riel, que celui-ci devrait s’exiler volontairement. Mais ces derniers réclament l’amnistie générale des rebelles, comme il avait été promis. Mgr Taché est d’avis qu’il est impossible qu’une amnistie soit accordée ; à cause, sans doute, de l’ampleur de la vague de réprobation et de haine que cela soulèverait parmi les orangistes ontariens, contre les métis et Louis Riel. Macdonald demande à Mgr Taché de convaincre celui-ci et Ambroise Lépine (lesquels portent l’entière responsabilité de la mort de Scott), de quitter le pays ; il se chargera de leur subsistance.


Sur la recommandation du monseigneur, les deux hommes s’exilent aux États-Unis ; ils partent de nuit pour ne pas éveiller l’attention. De l’argent leur est fourni. Ils arrivent à Saint-Paul, au Minnesota.


Ensuite, Macdonald déclare aux ontariens, pour les calmer : « Où est Riel ? Dieu le sait. J’aimerais bien le savoir pour lui mettre la main au collet. »


Louis commence à s’ennuyer de son pays et à déprimer. Il est angoissé ; il craint d’être arrêté par des hommes de mains, venu de l’Ontario radical. Sa tête a été mise à prix, pour une somme de 5,000$ dollars. Ses amis de la Rivière-Rouge le presse de retourner au pays ; ils vont le protéger ; ils le sollicitent de se présenter aux prochaines élections, dans la circonscription de Provencher. Sous l’impulsion de sa déprime et de sa « fibre politique », Riel cède à l’invitation de ses amis ; il rentre à la Rivière-Rouge à la fin de juin 1872. Mais les francophones ne sont pas tous enthousiastes de ce retour ; ils ont peur qu’il soit arrêté ou qu’il se fasse assassiner, s’il se rend à Ottawa. « Rappelons qu’à cette époque, la votation n’avait pas lieu le même jour dans tout le Canada. » Le 28 août, Sir George Étienne Cartier avait perdu son comté de Montréal-Est. On s’arrange pour le faire élire au Manitoba, dans le comté de Provencher. Riel lui cède volontiers la candidature ; c’est son plus fervent allié, pour obtenir l’amnistie, qui avait été promise à tous les rebelles. Le 14 septembre, Cartier est élu député par acclamation. Macdonald éliminait ainsi Riel, un élément susceptible d’envenimer les querelles ethniques, et en même temps renforçait son cabinet, en s’adjoignant la représentation française en la personne de Cartier. Mais ce dernier va se faire traiter à Londres, pour une grave maladie. Il y décède le 20 mai 1873.

Le siège de Cartier, devenu vacant, suscite des élections partielles. Ayant perdu son ardent défenseur, Riel veut se porter candidat. Ses amis, Mgr Taché et Macdonald craignent qu’il soit arrêté ou assassiné, s’il va siéger au parlement. Le chef Métis pose sa candidature quand même. Mais sous la pression d’un groupe d’ontariens hostiles à Riel, le magistrat H.J. O’Donnell « émet des mandats d’amener contre Riel et Lépine pour le « meurtre » de Thomas Scott. » Ambroise Lépine est arrêté et détenu au Fort Garry, mais il est libéré sous caution en attendant son procès. Louis Riel s’enfuit, se cache, demeure introuvable.


Macdonald se défendit d’avoir été l’instigateur de ce mandat d’arrêt ; cette affaire l’embarrassait d’autant plus qu’un autre juge avait signé un autre mandat contre Riel, et que ce dernier était résolu à se porter candidat dans Provencher.


Le 13 octobre, Louis Riel est élu, à l’unanimité dans le comté, l’autre candidat ne s’étant pas présenté ; et prévenu que des fiers à bras cherchent à l’arrêter, il demeure caché.


Avant de se rendre à Ottawa, il passa par Montréal, où il rencontra Honoré Mercier, député fédéral de Rouville et Alphonse Desjardins, propriétaire du Nouveau Monde. Avec ceux-ci, il se rendit à Ottawa pour prêter serment. Mais par peur d’être arrêté, il n’entra pas au parlement, et il retourna à Montréal avec ses compagnons.


Sa santé commençait à se détériorer ; il alla se reposer à Plattsburgh, chez les pères Oblats. Il apprit alors la démission du premier ministre John A. Macdonald ; il avait été obligé de démissionner à cause du scandale du Pacifique ; le parti conservateur avait accordé la construction du chemin de fer continental à l’entrepreneur Hugh Allan, moyennant un pot de vin de 350,000$ dollars, versés à la caisse électorale du parti.


Des élections sont déclenchées le 7 janvier, le vote étant fixé en février. Ni les libéraux ni les conservateurs ne veulent que Riel se présente dans Provencher. L’évêque Taché est appelé à la rescousse pour écarter le chef Métis. Riel brigue les soufrages quand même. Son ami le curé Ritchot et ses supporters font la campagne électorale pour lui ; il ne se rend pas à la Rivière-Rouge ; Riel est encore élu, facilement, député du comté. Par contre, c’est le parti libéral d’Alexander Mackenzie, qui remporte les élections, et celui-ci devient premier ministre.


Louis Riel se rendit prêter serment à Ottawa avec un ami, le député de Rimouski ; il prêta serment et signa les registres devant le greffier, Alfred Patrick. Ce dernier se rendit compte que c’était Louis Riel seulement lorsqu’il sortit de son bureau. Il en informa immédiatement le ministre de la justice, qui fut stupéfait.


La nouvelle enflamma tout l’Ontario orangiste.


On adopta une motion à l’effet que Louis Riel soit expulsé du parlement.


Le premier ministre A. Mackenzie affirma que la mort de Thomas Scott était un crime contre l’humanité ; tandis que la province de Québec clamait l’innocence de Louis Riel, et réclamait l’amnistie pour tous les rebelles de la Rivière-Rouge, comme il avait été promis lors de la négociation des droits.


La motion avait été adoptée à la majorité, nonobstant le vibrant hommage du nouveau député de Drummond-Athabaska, sir Wilfrid Laurier, qui avait eu ces mots : « Tout son crime et le crime de ses amis ont été de vouloir être traités comme des sujets britanniques et non comme du bétail. »


L’expulsion de la chambre des communes avait fait perdre à Riel son droit d’y siéger. De nouvelles élections devenaient nécessaires dans le comté de Provencher. Riel était déterminé à se porter candidat une autre fois. Des amis francophones et Mgr Taché lui conseillaient d’abandonner la politique, du moins pour un certain temps. D’autres l’appuyaient dans sa candidature ; ceux-ci avec la collaboration du curé Ritchot organisèrent encore sa campagne électorale ; il ne rentra pas au Manitoba. Il fut élu député pour la troisième fois.


« Le procès d’Ambroise Lépine, l’adjudant de Louis Riel, sous l’accusation d’avoir assassiné Thomas Scott, débuta le 13 octobre 1874 ». Le jury, composé de 6 francophones et de 6 anglophones, émit un verdict de culpabilité. Le juge E.B. Wood, président du tribunal, fut obligé de rendre une sentence de mort contre Lépine. Les arguments à l’effet que le gouvernement provisoire était légitime et que le tribunal n’avait pas juridiction furent écartés par le juge. Chapleau, l’avocat de Lépine expliqua le rendu du verdict ainsi : les six métis qui composaient le jury, influencés par le clergé, respectaient religieusement l’autorité. Ainsi, la voix du juge, ne donnait pas « des éclaircissements sur la cause, mais des injonctions. »


La province de Québec entière se souleva contre le verdict. L’assemblée législative adopta à l’unanimité une motion, demandant au gouverneur général de gracier Lépine. Et l’archevêque et les évêques adressèrent à Lord Dufferin, gouverneur général du Canada, une lettre à l’effet d’obtenir du gouvernement impérial l’amnistie promise. De nombreuses pétitions et signatures furent expédiées aux ministres fédéraux.


Lord Dufferin demanda au ministre des colonies d’être autorisé de trancher la question personnellement. Lord Carnavon lui répondit que, s’il relevait ses ministres de l’obligation de lui demander son avis, en ce cas particulier, en prenant sur lui la responsabilité de cette affaire, il le lui permettait.


Le 15 janvier, deux semaines avant l’exécution, Lord Dufferin gracia Ambroise Lépine de la peine de mort, contre 2 années de prison et de la privation de ses droits civiques ; droits rétablis avant sa mort, survenue en 1923 ; il était nonagénaire.



Sources Louis Riel, un Destin tragique, par Bernard Saint Aubin, les Éditions la Presse, 1985.



Citadelle IV, Acrylique sur toile, 58,8 x 61 cm

Artiste peintre : Pierre-Émile Larose

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